Sainte Marguerite d’Youville

Son histoire

Marguerite Dufrost de Lajemmerais est née à Varennes au Québec en 1701. Mariée, puis veuve de François Youville de la Découverte, elle a fondé la communauté des Sœurs de la Charité de Montréal, « Sœurs Grises », en 1737. En considération de sa vie exceptionnelle de dévouement et de compassion envers ses frères et sœurs humains, elle a été canonisée en 1990 par le pape Jean-Paul II. Elle est inhumée dans la Basilique Sainte-Anne de Varennes où une chapelle lui est dédiée.

Marie Marguerite Dufrost de Lajemmerais veuve Youville

Le portrait de Marguerite d’Youville par François Beaucourt a été exécuté à partir d’un portrait de Philippe Liébert, tracé au lendemain de sa mort en 1771. L’artiste s’est aussi inspiré des souvenirs de ses compagnes, vingt ans plus tard. Il nous présente le visage d’une femme âgée marquée par la vie.

Son fils Charles, auteur de sa première biographie, en trace un tout autre portrait : « Elle était une des belles personnes de son temps. C’était une brune claire, ayant beaucoup de couleur, un œil vif et parlant, tous les traits du visage fort réguliers, d’une grande taille, et ayant un air fort gracieux ». Selon Charles, Marguerite d’Youville a aimé les plaisirs de la vie. Son contemporain, le sulpicien Montgolfier, admiratif de son sens de l’organisation, disait qu’elle possédait une intelligence peu commune.

Au-delà de ces considérations, les nombreuses épreuves de sa vie l’ont amenée à développer une profonde spiritualité qui s’est manifestée dans sa compassion envers les démunis. Ses lettres révèlent une douce fermeté, une fine compréhension des affaires et un bon jugement, qualités qui lui ont permis de relever et de diriger courageusement l’Hôpital Général de Montréal pendant les années difficiles de la fin du Régime français.

Mère d’Youville François Beaucourt, 1792 Collection des Sœurs Grises de Montréal 1973.A. 026

Le nom de Marguerite, Lajemmerais ou La Gemerais, Youville ou d’Youville

À l’époque de Marguerite d’Youville, l’orthographe des noms propres varie souvent. François Ladécouverte, dit Youville, est le fils de Pierre You, sieur de la Découverte, ainsi nommé pour avoir participé à la découverte de la Louisiane avec Cavalier de la Salle. Sur son contrat de mariage, il signe François Youville De la Découverte. C’est le biographe de Marguerite d’Youville, l’abbé Étienne-Michel Faillon, qui ajoute un « d’ » à Youville pour des raisons euphoniques.

Quant au nom de famille de Marguerite, il s’écrit parfois Dufrost de la Gemerais, parfois de la Jemerais. C’est son procureur de Paris qui lui demande de signer toujours de la même façon, si bien que dans les dernières années de sa vie, elle signe M.M. Lajemmerais, veuve Youville.

Sa spiritualité

La spiritualité de Marguerite d’Youville s’inscrit dans le courant de la réforme du catholicisme en France au XVIIème siècle. Plusieurs mystiques et théologiens sont issus de ce mouvement, dont saint Jean-Eudes, saint Vincent-de-Paul et Jean-Jacques Olier, fondateur de la Compagnie des prêtres de Saint-Sulpice. Les membres de cette compagnie sont seigneurs de l’île de Montréal depuis 1659. Ils sont responsables de la paroisse Notre-Dame. L’un d’eux, Louis Normant de Faradon devient le conseiller spirituel de Marguerite d’Youville à la suite de Gabriel du Lescöat.

En 1727, comme plusieurs dames de Montréal, Marguerite d’Youville intègre la Confrérie des Dames de la Sainte-Famille. Selon ses biographes, c’est à cette époque qu’elle vit une rencontre mystique avec Dieu, le Père Éternel. Elle est souvent seule et vit le deuil de trois de ses enfants. Peut-être qu’elle se souvient des paroles de son bisaïeul Pierre Boucher : « Dieu aura soin de vous et vous servira de père ». Toute sa vie, Marguerite d’Youville a une dévotion et une confiance en Dieu le Père ainsi qu’en la Divine Providence. En 1766, elle écrit : « Le Divin Père fait l’objet de toute ma confiance depuis près de quarante ans ».

Cette confiance en la bonté de Dieu et en sa justice pour tous va lui permettre de réaliser une œuvre dont l’ampleur étonne même aujourd’hui, si on considère qu’elle a jeté les bases des services sociaux et communautaires que nous connaissons aujourd’hui dans notre société. Dans un ouvrage récent, sœur Estelle Tardif s.g.m, interprète de la façon suivante la pensée de Marguerite : « Le cri des pauvres ne lui arrive pas seulement de l’extérieur. Il surgit d’elle-même, pauvre parmi les pauvres. Femme de silence, elle vit en profonde communication avec la paternité de Dieu et entend le pauvre sans qu’il crie. Pour elle, le plus pauvre est celui qui a le plus besoin de Dieu pour devenir un homme ou une femme. Son rêve : « libérer le plus pauvre dans une rencontre de pauvre à pauvre. Le libérer en lui apprenant, par le service, qu’il est aimé ».

Marguerite d’Youville a laissé à ses contemporains et aux générations à venir un héritage spirituel marqué par une compassion sans bornes pour les pauvres et par une foi inébranlable en Dieu-Père et en sa Providence. Son exemple demeure à jamais une source d’inspiration pour ceux qui travaillent à l’avènement d’une civilisation d’amour et de justice.

Le Père Éternel

Suite à une promesse faite par Marguerite pour obtenir la guérison de son conseiller spirituel, Louis Normant de Faradon, p.s.s., et à la demande d’une de ses compagnes qui souhaite voir une représentation du Père Éternel, elle commande en France un tableau représentant le Père Éternel.  En notre siècle d’images, cette demande peut sembler un peu naïve, mais à cette époque, l’illustration servait au recueillement des membres de la petite communauté.

La Divine Providence

Le Père Éternel Attribué à l’Atelier de Jean Jouvenet Avant 1741 Collection des Soeurs Grises de Montréal 1974.A.100

Pour Marguerite, Dieu est un Père sur lequel elle peut compter. Le nom donné à ce Dieu qui prend soin de nous, c’est Dieu Providence, ou la Divine Providence. Cette qualité par laquelle Dieu manifeste son aide dans le concret de nos vies par des intermédiaires attentifs à la cause des pauvres, des petits.

Cette foi en Dieu Providence rendra Marguerite audacieuse dans son choix de vie. Contre vents et marées, elle maintiendra le cap sachant que l’aide de Dieu lui est assurée puisqu’elle recherche le bien des pauvres. Elle en témoigne fréquemment.

« La Providence est admirable, elle a des ressorts incompréhensibles pour le soulagement de ses membres, elle pourvoit à tout, en elle est ma confiance ».
17 octobre 1768

« Dieu soit béni, la Divine Providence pourvoit à tout, toute ma confiance est en elle ».
21 septembre 1771

Ses paroles

Les Archives des Sœurs Grises de Montréal conservent plusieurs lettres écrites par Marguerite d’Youville puisqu’elle conservait une copie des lettres qu’elle envoyait. Une partie de ses lettres concerne la célèbre querelle épistolaire qu’elle a entretenue avec l’intendant Bigot qui voulait fermer l’Hôpital Général de Montréal et déplacer les bénéficiaires à Québec.

Tout au long de ses lettres, Marguerite défend son hôpital avec beaucoup d’intelligence et de détermination. Elle répond à tous les arguments de Bigot qui conteste les sommes qui ont été investies dans la rénovation de l’hôpital et dans l’entretien des pensionnaires. On sent ses connaissances en tant qu’administratrice et sa détermination à sauver son œuvre.

Lettre à l’Intendant Bigot

« Vous me faites l’honneur, Monsieur, de me marquer que j’aie à faire ensemencer les terres avant de les livrer aux religieuses de Québec. Je puis vous assurer qu’en entrant je n’ai point trouvé les terres ensemencées, ni une raie de guéret faite ; c’est moi qui les ai fait faire et semer : ainsi, Monsieur, je ne suis tenue qu’à laisser les choses comme je les ai trouvées. »
16 février 1751

Une autre partie des lettres s’adresse à ses procureurs en France qui tentent de recouvrer l’argent prêté au Roi pendant la Guerre de Conquête. Elle écrit aussi aux membres de sa famille qui sont retournés en France. Il y a beaucoup d’humanité dans ses paroles.

Lettre à sa nièce Josephte Gamelin

« Donnez-nous donc de vos nouvelles et de celles de vos chères filles, c’est la seule consolation, dans l’abandon que la France fait de nous, d’avoir des nouvelles de nos amis ».
23 juillet 1763

C’est par ses lettres que l’on connaît le mieux sa spiritualité et sa compassion pour les démunis.

« Ma pauvreté est extrême, Seigneur. Des biens de ce monde, je n’en dispose pas, mais je me donnerai moi-même ; mon temps, mon travail. Je sèmerai peu, il est vrai, mais votre miséricorde me fera récolter infiniment ». 1727

« Le Divin Père fait l’objet de toute ma confiance depuis près de quarante ans ».
12 octobre 1766

« La Providence est admirable, elle a des ressorts incompréhensibles pour le soulagement de ses membres, elle pourvoit à tout, en elle est ma confiance ».
17 octobre 1768

« Dieu soit béni, la Divine Providence pourvoit à tout, toute ma confiance est en elle ».
21 septembre 1771

Parfois, on la sent un peu dépassée par les événements, mais jamais découragée.

« Il y aurait bien du bien à faire si nous avions de quoi. Il se présente tous les jours des pauvres qui ont un vrai besoin. Nous n’avons plus de logement, et j’ai le cœur bien gros de les renvoyer, mais il faut bien le faire. (…) Si je savais où il y en a autant et que je les puisse prendre sans voler, j’aurais bientôt fait un bâtiment qui en logerait près de deux cents, mais je n’ai rien ».
22 octobre 1769

Son testament spirituel

« Mes chères sœurs, soyez constamment fidèles aux devoirs de l’état que vous avez embrassé. Marchez toujours dans les voies de la régularité, de l’obéissance et de la mortification; mais surtout, faites en sorte que l’union la plus parfaite règne parmi vous ».
Paroles de Mère d’Youville le 14 décembre 1771.

Confions nos intentions à sainte Marguerite d’Youville

Prière
Ô sainte Marguerite d’Youville
toi qui as passé ta vie
à secourir les gens mal pris
viens à mon aide
dans la situation où je me trouve.

Je te sais puissante
sur le cœur de Dieu Père.
Aussi je compte sur toi
pour m’obtenir cette faveur
que je sollicite avec confiance.

Mère à la charité universelle
que ton exemple m’encourage
à chercher Dieu par-dessus tout
et à le servir
dans mes frères et sœurs en difficulté.
Amen

À la suite de Marguerite

Bien des personnes se sont engagées à la suite de Marguerite d’Youville pour « aimer Jésus Christ et les Pauvres ». Dieu appelle encore aujourd’hui des personnes à suivre cette voie. Les Sœurs Grises de Montréal sont ouvertes à collaborer en Église à la pastorale des vocations, encourager les jeunes et les moins jeunes à reconnaître l’appel de Dieu.

La vie religieuse aussi est appelée à se renouveler ainsi que son mode de vie et son appartenance au monde et à l’Église. C’est une profonde remise en question de laquelle peut jaillir de nouveaux projets de vie.

Comment marcher à la suite de Marguerite d’Youville ?

Nous pouvons le faire comme personne consacrée par des vœux, comme associé(e) à sainte Marguerite d’Youville par des promesses ou comme partenaire dans des œuvres caritatives.

Les Associé(e)s de Sainte-Marguerite-d’Youville

Les Associé(e)s de Sainte Marguerite d’Youville ont été fondés par un comité de laïcs et de religieuses en 1983. Les Associé(e)s s’engagent à partager la spiritualité et la mission de Sœurs Grises dans leur milieu de vie. Ces personnes s’inspirent du principe de l’amour compatissant du Dieu Père tel que révélé par Marguerite d’Youville. Leur objectif est de venir en aide aux personnes en difficulté autour d’eux, en plus de leur vie familiale et professionnelle. Ils renouvellent leur engagement à chaque année et participent à des activités de ressourcement spirituel et d’autres projets apostoliques.

Les partenaires

Plusieurs hommes et femmes laïques de tous les horizons partagent la mission et les valeurs des Sœurs Grises de Montréal. Grâce à toutes ces personnes, l’esprit de Marguerite d’Youville reste bien vivant et pertinent. Qu’ils soient associés, bénévoles ou collaborateurs, ces gens suivent l’exemple de la fondatrice. Comme elle, ils servent les plus démunis avec le même dévouement et la même vision.

Bibliographie

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Sainte Marguerite d’Youville 1701-1771, (brochure illustrée) 2006

Sœurs Grises de Montréal L’Hôpital général de Montréal, Tome premier, 1915, Tome II, 1933, Tome III, 1938.

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