PAGE AMÉRIQUE

Au matin du 17 août 1886, Sœur Youville (Aurélie Crépeau), Sœur du Sacré-Cœur (Octavie Beaulieu), Sœur St-Eusèbe (Zéphirine Brodeur) et Sœur St-Jean-de-Dieu (Hermine Bédard) des Sœurs de la Charité de St-Hyacinthe quittent le berceau de leur vie religieuse pour fonder une maison de charité à Nicolet à la demande de Mgr Elphège Gravel. Elles arrivent en canot au Port Saint-François vers les 11 heures du soir. La population nicolétaine, soucieuse de soulager la misère humaine  les sont accueille avec joie.

Leur maison n’étant pas tout à fait prête, Mère Saint-Joseph des Sœurs de l’Assomption de la Sainte-Vierge et ses compagnes, hébergent les quatre fondatrices dans leur couvent pour une période de trois semaines. Ce geste d’hospitalité vient cicatriser les plaies infligées par leur départ de St-Hyacinthe.

Au lendemain de leur arrivée, le 18 août 1886, les quatre fondatrices se retrouvent agenouillées au pied d’un grand crucifix qui orne le mur de l’appartement où elles se réunissent pour la prière. Elles déposent dans le Cœur transpercé de Jésus les jours douloureux qu’elles viennent de vivre et leurs espérances affermies dans l’immense désir qu’elles ont de consacrer le reste de leur vie au soulagement des démunis, des malades, des orphelins que la Providence du Père voudra bien leur confier. En agissant ainsi, elles imitent leur première Mère, Marguerite d’Youville, qui, au soir du 31 décembre 1737, avec trois compagnes, agenouillées au pied de la statue de Notre-Dame de la Providence, se consacrent au service des pauvres, jetant ainsi les bases de l’Institut des Sœurs Grises de Montréal.

Le 20 août 1886, les quatre fondatrices se dirigent à la cathédrale. Elles participent à la grand-messe solennelle présidée par le Révérend Monsieur Douville, en présence de Mgr Elphège Gravel. La population nicolétaine se joint à elles pour rendre grâce au Seigneur d’un rêve qui est en voie d’être réalisé et leur exprimer leurs sentiments de joie qui remplissent leurs cœurs.  Dans son allocution, Mgr Gravel s’adresse aux diocésains en disant: « La bonne Providence nous a envoyé quatre Sœurs de la Charité qui vont être le grain de sénevé, lequel arrosé chaque jour des bénédictions célestes et réchauffé par votre sympathie, va prendre racine et devenir un grand arbre qui abritera des foules d’infortunés. Nous les autorisons à ouvrir un noviciat… Nous plaçons le nouvel Institut sous la protection de Notre-Dame des Sept-Douleurs à laquelle tous aimeront aller confier leurs anxiétés et leurs angoisses, faisant même du sanctuaire de l’Hôtel-Dieu un lieu de pèlerinage. »  Lieu de pèlerinage, la petite chapelle de l’Hôtel-Dieu le sera et le demeurera jusqu’à ce que l’incendie de 1955 vienne la détruire.

Mission

Le 7 septembre 1886, les sœurs intègrent la petite maison (Hôtel-Dieu) de la rue Signay. Une parole de Jésus maintient en l’âme des nouvelles venues une grande confiance en la Divine Providence, face à la mission qui leur est confiée, et cette confiance n’est jamais déçue.

« Ne vous inquiétez pas pour votre vie de ce que vous mangerez, ni pour votre corps de quoi vous le vêtirez. Car la vie est plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement… votre Père sait de quoi vous avez besoin. » (Lc 22,30).
D’année en année, la liste de nombreux malades, infirmes, démunis de tous les âges et de toutes catégories, s’allonge. La petite maison devient trop petite et les sœurs pensent à bâtir à cause des demandes de plus en plus nombreuses.

Les Sœurs ne cessent de manifester la tendresse du Père dans les soins apportés aux nécessiteux. Elles s’entourent de laïcs qui les aident dans leur œuvre de charité. Le Dr Denis Desaulniers, pendant vingt ans, prodigue gratuitement ses services à l’Institut et bien souvent fournit les remèdes que la pauvreté de la maison n’eût pas permis de se procurer. Par la suite, plusieurs de ses confrères médecins ont servi et servent encore la communauté.

L’Association des Dames de la Charité pourvoyeuses du pain des pauvres, invitent les familles qui le peuvent à fournir un pain par semaine. C’est ainsi que l’œuvre du pain apporte chaque semaine environ 17 à 25 pains pour les démunis.  Elles organisent des soupers canadiens, des parties de cartes, des attractions diverses, soirées du bon vieux temps, etc. M. le maire Georges Ball, ouvre les portes de l’Hôtel-de-Ville pour la tenue du premier bazar et des bazars qui se tiendront annuellement. Les pasteurs et leurs paroissiens reçoivent les Sœurs qui viennent quêter pour les besoins de l’œuvre.

Trois ans après leur arrivée, les quatre fondatrices accueillent dans leur rang 11 jeunes filles procurant ainsi à l’Église des bras et des cœurs pour assurer la vitalité de la charité chrétienne. Trois d’entre elles ayant terminé leur noviciat font profession religieuse le 28 mars 1889 dans la cathédrale de Nicolet.

Fusion

Suite au désir du Saint-Père de voir toutes les communautés des Sœurs Grises se réunir en une seule sous l’autorité de la supérieure générale de l’Hôpital Général de Montréal, Mère Marie-Anne Cayer, supérieure générale, considère que répondre à un tel désir du Saint-Père c’est de répondre au désir de Dieu.  Avec les membres de son conseil, appuyée et encouragée par Mgr Albini Lafortune, évêque de Nicolet, elle entreprend un sondage auprès des 445 Sœurs. En leur soumettant le projet d’une fusion des maisons de Nicolet avec celles de Montréal, elle y joint les motivations qui les poussent à faire avancer cette entente:

  • la plus grande de Dieu recherchée dans un acte d’obéissance au Saint-Siège;
  • une réalisation plus fidèle du testament de la sainte Fondatrice: « Que l’union la plus parfaite règne toujours parmi vous! »;
  • un élément de succès pour hâter la cause de la Béatification de Mère d’Youville.

Un chapitre général se tient à Montréal; l’assemblée capitulaire approuve avec bonheur cette venue dans leurs rangs, les Sœurs Grises de Nicolet. Le 1er mars 1941, le document final de la fusion est signé par les deux supérieures générales, Mère Évangéline Gallant et Mère Marie-Anne Cayer, dans lequel on peut lire les clauses suivantes: « L’Hôtel-Dieu de Nicolet devient Maison provinciale formée. Elle garde son noviciat et ses maisons filiales. »

Fondations

Les Sœurs Grises de Nicolet ont ouvert plusieurs missions dans l’Ouest Canadien. Elles ont fondé plusieurs hôpitaux, orphelinats, écoles d’infirmières et infirmières auxiliaires.

En 1950, monseigneur Albertus Martin, évêque du diocèse de Nicolet ouvre une mission au Brésil. À sa demande, quatre Sœurs Grises, Lucille Ratté, Lucille Chamberland, Stéphanette Lemire et Flore Poirier quittent le Canada en avril 1957 pour rejoindre les prêtres et les Sœurs de l’Assomption de la Sainte Vierge déjà arrivés en 1955 et 1956. Leur apostolat consiste à travailler avec les pauvres et les malades d’Alcantara.

Implication aujourd’hui

Quelques sœurs s’impliquent dans les organismes communautaires; dans l’accompagnement des personnes à un rendez-vous médical; dans les visites à domicile auprès des personnes âgées et malades; pour faire du magasinage;  afin de donner un répit aux aidants naturels. D’autres apportent une collaboration à la pastorale diocésaine et pastorale, dispensent des soins aux enfants sidéens et accompagnent des adultes atteints de cette maladie. Elles réalisent leur mission, en actualisant le charisme légué par la fondatrice de leur Institut, sainte Marguerite d’Youville, la mère « à la charité universelle ».